vendredi 13 juin 2014

INVASION OCCUPATION LIBERATION DE BOUTTEVILLE

INVASION OCCUPATION LIBERATION DE BOUTTEVILLE


« Six juin 1944 » 

Cette date évoque pour tous le débarquement des troupes alliées en Normandie, prélude à la fin de la seconde guerre mondiale. Pour un curieux d'histoire locale, cette date fait songer à Sainte Mère Eglise, première tête de pont américaine en France ou à la brèche de Sainte Marie du Mont ; tête de plage américaine. La petite et la grande histoire du débarquement ont déjà été écrites et bien écrites, il n'est pas de mon ressort de décrire des faits que d'autres ont décrits mieux que je ne saurais le faire. Cependant il est une injustice qui est souvent commise ; si Sainte Mère Eglise, tient incontestablement la tête de chapitre du débarquement dans le Cotentin pour les livres d'histoire, on ne doit pas ignorer que cette petite parcelle de territoire tenue seulement par une poignée d'hommes n'aurait été qu'une vaine prise si l'ensemble des villages environnants n'avait participé à la réussite du débarquement qui devait se dérouler sur les plages proches de Sainte Marie du Mont appelées « Utah Beach » Aussi je ne parlerai pas ou peu Sainte Mère Eglise et de Sainte Marie du Mont Monsieur Alexandre Renaud ancien maire de Sainte Mère Eglise l'a fait pour sa petite ville dans « Les Ramoneurs du Ciel » et monsieur François Lemonnier Gruhier pour Sainte Marie du Mont dans « La Brèche de Sainte Marie du Mont » 


Je me contenterai donc de parler de ce que virent les habitants d'un de ces petits villages qui ainsi que beaucoup d'autres possède une histoire ignorée. Boutteville faisait partie de la zone de parachutage du 5 et 6 juin 1944 et eut donc un rôle important. Ce n'est pas particulièrement le rôle de Boutteville dans le débarquement qui a retenu mon attention, c'est plutôt la vie de chaque jour des habitants, leur contact avec l'occupant allemand puis avec les alliés qui m'ont semblé intéressants. Pourquoi ai-je choisi Boutteville ? Sans doute parce que je connais très bien l'ancien Maire de cette petite commune, Monsieur Louis Dorey qui a bien voulu orienter mes recherches, me faire-part de ses souvenirs personnels, me procurer des documents extrêmement rares, Qu'il en soit ici remercié. Boutteville
Boutteville est une petite commune qui s'étend au nord des marais de Carentan. C'est un village situé non loin de la N13 Paris Cherbourg à peu près à égale distance de Sainte Mère Eglise et de Sainte Marie du Mont. Situé en plein bocage du Cotentin, c'est un paysage de prés et de champs de pommiers entourés de haies vives qui s’offrent aux yeux du visiteur. La proximité de la mer (environ 8 km) fait que de nombreux « vacanciers » y achètent ou y bâtissent des maisons. Autour du clocher épargné par les bombardements de la seconde guerre mondiale, les soixante seize habitants de la commune vivent dans le calme et la tranquillité du travail des champs. ; L’élevage laitier est la principale source de revenus.
L'INVASION L'invasion fut rapide, les Allemands sont arrivés à Boutteville le 19 juin 1940 vers 16h. Les ponts sur les marais de Saint Côme du Mont, entre Sainte Mère Eglise et Carentan ayant sauté, les assaillants ont dû, sous un tir assez meurtrier des fusiliers marins français se replier vers les routes de Périers et de la Haye du Puits et contourner la péninsule par l'ouest ; Valognes ainsi que Sainte Mère Eglise ont donc été occupées avant Boutteville.
Les fils téléphoniques n'ayant pas été coupés, les habitants furent prévenus exactement par les bureaux de poste lorsque les avant-gardes arrivèrent à Valognes et à Montebourg. Le lendemain de l'occupation de Sainte Mère Eglise- 18 juin 1940 des motorisés (motocyclettes, side-cars, automobile découverte), sillonnent la rue principale, vont et viennent dans le village puis repartent.
Des Allemands arrivent deux heures plus tard : c'est le premier contingent qui cantonnera à Boutteville L'occupation commence...
Le contingent allemand cantonne au village de la Rue seulement une nuit. Le capitaine loge chez mesdemoiselles Milet, leur salle à manger est transformée en bureau ; Madame Pierre Fautrat a dans sa cour la cuisine, elle loge de plus un officier. Monsieur Dorey, maire héberge pour sa part un sergent major. La vie commune s'organise tant bien que mal et c'est avec une curiosité inquiète que les habitants voient ces hommes propres, astiqués, disciplinés, s'installer. Les compagnies se succéderont ; elles séjournent environ un mois et repartent, emportant de nombreuses provisions. Jusqu'au mois de novembre 1943 aucun contingent ne se fixe à Boutteville et les relations entre occupant et occupé sont très distantes, teintées de méfiance de part et d'autre En février 1943, arrivent pour cantonner chez mesdemoiselles Milet un lieutenant et un sous officier puis quinze hommes de troupe. Il arrivent le 15 février au soir Herr Oberfeldmeister Friedrich Daniel, Teldpostnummer 14259 né à Arnstadt, (foret de Thuringe) le 20 novembre 1913 s'installe chez Monsieur Dorey, il fait fonction de commandant et organise le cantonnement d’une compagnie. Pendant quinze jours, il est seul dans le village avec un sergent, il dirige la construction de baraques destinées à recevoir la compagnie du Service de la Jeunesse du Travail.
Cette compagnie arrive d'Allemagne, le 2 mars elle débarque à Carentan ; de grandes charrettes à foin, des «banniaux », sont réquisitionnées pour y aller chercher leurs bagages ; Pour cette compagnie il faut aller chercher et porter, chaque jour avec une voiture les vivres à l'endroit où travaillent ces jeunes soldats ; Le maire, Louis Dorey est obligé d'organiser un roulement. Avis de réquisition de pièces de terre du 11/01/1943
(En vue de l'établissement du cantonnement allemand de Boutteville, La Kreiskommandatur de Cherbourg ordonne la réquisition de pièces de terre)
Ordre de démolition de propriété ( Maison) pour des raisons militaires Par la suite le maire essayera de soulager ses administrés en demandant au Kreiskommandant de Cherbourg un allégement des prestations au moment des foins. Avis de réquisition de terrains pour l'établissement des cantonnements Les hommes habitent les baraques, les bureaux sont également dans ces baraques construites dans un champ de pommiers. Elles sont peintes en vert et recouvertes de filets et de ce fait, admirablement dissimulées sous les pommiers.
Même les vaches subissent l'occupation Quelques jours après l'arrivée de la compagnie l'instruction commence. Herr Oberfeldmeister Friedrich Daniel semble assumer toute la direction de cette instruction, actif, entraîneur, il a vite fait de tout mettre en ordre. Huit jours après l'arrivée de la compagnie il part à la mer, tantôt pour se rendre à une forteresse construite par l'organisation Todt à Saint Martin de Varreville, tantôt au lieu dit La Madeleine. Jamais Herr Oberfeldmeister Friedrich Daniel ne renseigne du lieu de son travail. Les soldats partent en chantant vers 6h du matin pour rentrer le soir à 16h précises Quelquefois le dimanche Herr Oberfeldmeister Friedrich Daniel organise un match de handball et son équipe est rarement vaincue. Parfois des hommes et des officiers se rendent au cinéma à Carentan.
Friedrich Daniel, à l'occasion de ces matchs organise de vraies petites fêtes ; un électrophone diffuse de la musique, des cris de joie retentissent et chaque but est ponctué par un roulement de tambour. ; Lors d'une de ces rencontres, un de ses hommes s'étant fracturé la jambe, il ne cache pas à monsieur Dorey, maire, sa crainte de voir cette distraction interdite par un ordre supérieur. Le 20 avril est l'anniversaire du Führer Adolf Hitler. A Boutteville, rien ne marque cependant cette date, les habitants n'ont pas vu le drapeau à croix gammée flotter sur les baraques comme cela s'est vu dans d'autres communes. Il n'y a sans doute pas eu de repas entre officiers cependant tous les officiers apparaissent être de vrais nazis aux yeux de l’habitant.
L'occupant allemand sert aux habitants les hébergeant des indemnités de logement et de prestations * INDEMNITES DE LOGEMENT Officier en chambre :10 francs Sous officier en chambre: 6 francs Homme de troupe en chambre :5 francs Bureau, salle à manger :5 francs Cuisine, infirmerie, :5 francs Magasin à vivres: 5 francs Postes de garde magasin: 4 francs Grange ,étable :4 francs Garage auto clos :5 francs Garage motos clos :2 francs50 Garage motos non clos: 1 franc 25 Chevaux à l'écurie: 3 francs Chevaux dans les champs: O franc 50 Homme en cantonnement avec paille :1.franc Homme en cantonnement sans paille: O franc 50 PRESTATIONS 1 Cheval attelé avec conducteur ; 135 francs pour une journée de 8h Homme : 60 francs soit 7 francs50/h cheval ; 45 franc soit 5 francs75/h voiture : 30 francs soit 3 francs75/h *Notes de Monsieur Viel Père. Château de Reuville. De fréquents et graves ennuis commencent à se répéter pour le maire ; ce sont les demandes pressantes d'attelages pour les transports. La compagnie réquisitionne toutes le voitures à cheval pour aller les unes chercher des provisions, les autres chercher des planches ou des tonnes de charbon qui arrivent en gare de chef du Pont Il est très difficile pour Monsieur Dorey de satisfaire à toutes les demandes ; les cultivateurs ont besoin de leurs chevaux pour le travail des champs ; Chacun y met cependant de la bonne volonté et, malgré les difficultés, les voitures demandées partent à l'heure indiquée . Invasion, Occupation Libération de Boutteville 13 Il est à remarquer que la compagnie du Service de la Jeunesse du Travail ne travaille ni le Vendredi Saint ni le Lundi de Pâques, ce qui étonne quelque peu les habitants de Boutteville. Il en est de même pour le 1« mai, ce jour là, l'officier Friedrich Daniel revêt la tenue fantaisie et demeure dans sa chambre une partie de la journée à écrire et à lire. De nouveaux tracas se font jour pour les habitants de la petite commune.
Un ordre arrive en mairie : il faut aller garder les voies ferrées sur la ligne Paris Cherbourg : Tous les hommes valides sont obligés d'y participer ; un certificat médical délivré par un médecin assermenté peut seul les en dispenser. Un tour de rôle est établi, la garde consiste à se rendre à Saint Côme du Mont et de prendre la garde d'un kilomètre de voie ferrée de 21 h à 6h du matin. Le tour commence par ordre alphabétique mais bientôt, un volontaire se présente au maire ; il s'offre de remplacer chaque jour les habitants, il se nomme Joseph Martin, il est accueilli avec empressement il sera payé 8 francs par heure de garde, il touchera les allocations familiales et divers autres avantages ce qui lui assure un salaire important. Il est de plus logé avec sa nombreuse famille. La demande de prestation augmente et les ordres de l'autorité allemande s'étendent bientôt à la garde des positions allemandes, au champ d'aviation de Carquebut.
A la fin de chaque mois le maire est payé par l'autorité allemande. Le sous officier du bureau lui remet la somme correspondant aux transports effectués au cours du mois. Pour le mois d'avril 1943 la somme totale s'élève à 4592 francs. Le maire répartit ensuite cette somme entre les personnes qui sont allées porter la soupe ou qui ont effectué différents transports. Si ces sommes sont réglées en argent français, il n'en est pas de même pour toutes les transactions ; l'occupant allemand essaie fréquemment en dépit de l'interdiction des autorités allemandes d'écouler de la monnaie du Reich
Malgré tout cela, la vie de la petite commune se poursuit, on organise même une petite fête pour la fête des Mères. Monsieur Viel, délégué des familles nombreuses a été le promoteur de cette réunion, secondé par Melle Joly, institutrice. Des invitations ont été lancées à toutes les familles de la commune, même chez ceux qui n'ont pas d'enfants. La salle de classe a été décorée par Melle Joly aidée des enfants, ces derniers ont présenté des chants et des récitations appropriés. Une tasse de chocolat a été servie à tous les enfants et à toutes les mamans présentes. Chaque famille est repartie avec un pot de fleurs Cependant les demandes de chevaux et de voitures pour la compagnie cantonnée dans le village, deviennent de plus en plus nombreuses. Les habitants portent des réclamations au maire pour être dispensés de ces corvées. Ils doivent chaque jour porter "la soupe" à la mer (Forteresse de St Martin puis à la Grand Dune et aussi à Brévands) Leurs réclamations resteront vaines et ils doivent continuer à effectuer les transports Il arrive parfois que pendant la nuit des ordres de branlebas de combat soient donnés C'est l'alerte générale ! Toute la compagnie doit partir faire l'exercice à la mer; Ils ne rentrent que vers les sept heures du matin; ces manœuvres qui effraient au début les habitants deviennent pour eux des habitudes et les rapports, par la force des choses, deviennent moins distants. L'officier Daniel, par exemple, n'hésite pas à raconter certaines coutumes de son pays. En voici une: Le jour de l'Ascension est en Allemagne le jour de la Fête des Pères. Ce jour là, tous les papas se réunissent en un lieu déterminé et forment un cortège, accordéons en tête. Le plus souvent ils partent faire une promenade dans la Forêt de Thuringe et rentrent le soir après avoir pris un bon repas et avoir bien bu. Les obligations, les réquisitions, cependant, continuent, ce sont les soucis majeurs des habitants Jusqu'au dernier jour de la présence de cette compagnie (6 juillet 1943), ils doivent prêter leurs services à l'occupant. Lors du départ de la compagnie plusieurs charrettes doivent porter les bagages des soldats à Carentan. Avant son départ l'officier Daniel ainsi que d'autres officiers achètent beaucoup d'œufs et de beurre. Ils chargent un soldat parlant français de leur faire des emplettes mais les habitants de Boutteville refusent de vendre leurs produits et le commissionnaire doit se rendre à Hiesville où on lui vend le beurre 200 francs le Kilogramme et les œufs 6 F pièce. Certains officiers payent jusqu'à 12 F l’œuf. La plupart des officiers prennent des photographies de la commune avant de partir. C'est alors quatre mois de répit pour les habitants du petit village . Octobre 1943 Début octobre 1943, des soldats de l’infanterie viennent organiser des cantonnements pour une nouvelle compagnie. Celle-ci arrive le 15 octobre à 11 heures. Les cantonnements ne suffisent pas et de nombreux soldats logent chez l’habitant. Monsieur Dorey loge le lieutenant Laudon. Ce dernier ne tarde pas à lier conversation avec le maire de la commune ; C’est un homme qui semble aigri par la guerre, il était étudiant en droit à Hambourg. En arrivant à Boutteville il rentre de Hambourg qui vient d’être bombardée. La maison de sa mère a été détruite et est en ruines. Sa cantine, son coffre sont là tout ce qu’il possède ; Peu après l’arrivée de cette nouvelle compagnie, des camions automobiles arrivent avec leurs conducteurs ; c’est pour transporter les troupes en cas d’attaque car on prévoit une attaque anglo-américaine avant la Toussaint. Il y a quatre voitures civiles (requises de Paris) et quatre militaires. Dès le début de novembre les soldats font des exercices intenses d’entraînement, ils rentrent harassés de fatigue, trempés. Ils vont faire des exercices jusque dans la région de la Haye du Puits. Ces hommes exténués ont un moral très bas ; Monsieur Dorey me rapporta ces paroles de l’ordonnance du Lieutenant Lauzon : « Mousié !grand malheur ! Nous partir Couic !!! »Et joignant le geste à la parole en même temps que ce couic il mime quelqu’un qui est tué puis il ajoute « C’est la guerre ! » Son père est mort sous Arras en 1915. Cette compagnie ne demande guère de matériel à part une barrique pour avoir de l’eau pour la cuisine. Les soldats l’emplissent et le poussent eux-mêmes. Quelques fois ils réquisitionnent un cheval et une voiture pour aller chercher du matériel soit à Carquebut soit à Reuville.
Le Château de Reuville Le Lieutenant Laudon apparaît être un homme sensible, compréhensif, il essaie de ne pas trop faire sentir le poids de l’occupation aux habitants. Il doit cependant partir :-« Je suis triste, je quitte ce village pour aller dans une autre compagnie au bois de Montebourg » dit-il lors de son départ hâtif. Les habitants le voient partir avec appréhension, Qui va le remplacer ? DEBUT DES BOMBARDEMENTS A partir du 1er décembre on entend de très fortes escadrilles de bombardement puis fréquemment de chutes de bombes. Cela doit se passer dans la région cherbourgeoise et ses environs. Le début des raids de bombardements coïncide avec l’arrivée d’un nouveau Lieutenant : Walter Lid, originaire de Bremen ; il arrive avec une voiture contenant ses bagages et un très grand portrait d’Hitler. Quelques jours après son arrivée dans le village, un soldat arrive avec une couronne d’où émergent quatre grosses pommes de pin. Les habitants pensent qu’un soldat est décédé. Mais non, cette couronne est offerte à l’officier pour être suspendue à la fenêtre de sa chambre et le 24 décembre il y mettra de petites bougies. Sous son allure rude et intimidante, ce lieutenant est bon toutefois pour ses hommes : il fait suspendre l’exercice du samedi et du dimanche. C’est l’hiver avec tous ses problèmes les logeurs ne doivent pas le bois pour loger les soldats et les officiers. Des équipes de soldats vont à tour de rôle se procurer du bois dans les champs. De nouvelles réquisitions son opérées ; des chevaux ; il faut les conduire à la Haye du Puits ce qui nécessite un voyage de deux jours ; Une autre réquisition inquiète les habitants des communes respectives du canton de Ste Mère Eglise ; C’est celle des bovins ; La petite commune doit fournir 47 vaches ; la réquisition des chevaux qui devait se faire à Haye du Puits a finalement lieu à Ste Mère Eglise, ce qui rassure les habitants. Deux juments sont seulement prises, elles sont payées l’une 51000 l’autre 41000 francs (soit 10366 et 8333€ de 2009) A ces réquisitions s’ajoute l’interdiction de circuler des voitures automobiles ; seules les personnes devant obligatoirement circuler obtiennent des autorisations.
(Autorisation de circuler délivrée au maire de Boutteville) Malgré tous ces ennuis la vie continue ; chacun fête Noël comme il peut. Les allemands eux aussi organisent une petite fête. Ils se réunissent (toute la compagnie) dans une baraque jusqu’à minuit ; Dans la chambre de M. Dorey, occupée par l’officier Walter Lid six camarades sont venus fêter avec lui Noël. Après avoir chanté, mangé des gâteaux, bu du vin, ils se séparent vers minuit sans être ivres. C’est pour eux l’occasion de varier l’ordinaire de chaque jour qui n’a rien d’alléchant : souvent une mauvaise soupe et un peu de viande. De même la compagnie fête la saint Sylvestre mais le réveillon est troublé par un bombardement. Des soldats tirent des coups de fusil. Pendant la première semaine de janvier, les soldats ne font pas d’exercice, certains ont pour principale occupation de casser du bois pour le chauffage. L’un de ces soldats travaille dans le cellier du maire à faire une poupée pour la petite fille de l’officier Lid ; Il fabrique ce jouet avec des morceaux d’armoires apportés pour les jeunes du service du travail en février 1943. Certains de ces meubles ont été utilisés comme bois de chauffage par la Compagnie. De l’avis des habitants cette Compagnie se plaît bien à Boutteville parce que les hommes trouvent chacun leur litre de lait dans les fermes, il leur est vendu 7.00 francs et même 7francs 50 (entre 1.40 et 1.50 €) le litre chez certains fermiers. Cependant la Compagnie doit quitter Boutteville pour Sainte Marie du Mont.
Carte Nationale de priorité des mères de famille RÉPUBLIQUE FRANCAISE PREFECTURE DE LA MANCHE Division de l'assistance et de l'Hygiène Carte nationale de priorité SAINT-L0, .le 5 Décembre 1940. LE PRÉFET DE LA MANCHE À Messieurs les Maires du Département. La loi du 14 Aout 1940, a créé en faveur des- mères de famille une "carte nationale de priorité » "Cette carte, renouvelable tous les deux ans, donnera à "son titulaire un droit -de priorité, pour l'accès aux bureaux et guichets des administrations et services publics aux transports publics et aux magasins de commerce" (Art. 21) Les imprimés nécessaires vous seront adressés par mes soins. Conditions d'obtention et de distribution de la carte: Peuvent obtenir la carte nationale de priorité 1) Les mères de famille ayant au moins trois enfants vivants de moins de 14 ans ou deux enfants vivants de moins.de 4 ans, 2) Les mères décorées de la Médaille de la Famille Françaises. La carte nationale de priorité sera délivrée exclusivement à la mairie de la résidence de la mère de famille intéressée Celle-ci adressera à cette mairie une demande sur papier libre appuyée des pièces justificatives suivantes - a) Pour les mères de famille ayant au moins trois enfants vivants de moins de14 ans ou 2 enfants vivants de moins de 4 ans 1 - Le livret de famille, 2 - Les certificats de vie de la mère et des enfants, établis un mois au plus avant la demande de la carte nationale de priorité, 3 - Une photographie d'identité de la mère b) Pour les pères décorées de là Médailles de la Famille Française 1- Le livret de famille, 2 - Le diplôme de médaille ou la médaille elle-même, 3 - Une photographie d'identité de la mère La plus large publicité sera faite dans chaque commune, afin d'avertir l'es mères de famille intéressées de la date-à partir de laquelle elles pourront présenter leurs demandes à la mairie. Le maire procèdera aux vérifications des pièces produites : il apposera sur la carte, le cachet de la mairie et sa propre signature. L'établissement de la carte sera gratuit et ne donnera lieu à la perception d'aucun droit ni taxe. Il sera fait mention de la remise de la carte sur le livret de famille de la titulaire, afin d'éviter la fraude consistant à se faire délivrer dans une autre résidence, une seconde carte de priorité qui malgré la photographie, pourrait servir à une tierce personne. II Renouvellement de la carte La loi fixe à deux, ans la validité de la carte. Toutefois, la première carte établie sera valable jusqu'au Ier Novembre- 1942, quelle que soit la date à laquelle elle aura été délivrée aux ayants-droits. Le renouvellement se fera, dans le mois qui précède l’expiration de la validité à la mairie de la résidence sur présentation de l’ancienne carte, appuyée des mêmes pièces justificatives -que celles prévues lors de l'établissement de la première carte. Le droit de renouvellement ne sera ouvert qu'aux mères qui satisferont toujours, aux conditions ci-dessus indiquées. III Perte de la carte.- En cas de perte une nouvelle carte.ne pourra être délivrée qu'à l'expiration de la période de validité de la carte perdue, mentionnée sur le livre de famille IV Sanctions aux contrevenants.- Au cas où un fléchissement dans le respect des droits conférés par la carte, serait constaté, je prendrais toutes dispositions, pour rappeler les obligations qui s'imposent aux agents des administrations publiques, aux concessionnaires et entrepreneurs de services publics, ainsi qu'aux directeurs et gérants des magasins de commerce, et pour en faire assurer 'l'exécution par la police et la gendarmerie. Le PREFET de la Manche G MUMBER


JANVIER - MARS 1944 Deux jours plus tard une autre compagnie arrive, elle vient des environs de Vannes dans le Morbihan. Elle arrive à pied de Carentan et occupe les baraques, Les officiers pour la plupart logent chez l’habitant. Le maire héberge le lieutenant Radkte. Les sous officiers s’installent au presbytère. La cuisine est installée chez Mme Fautrat dans la remise aux voitures; Le matériel occupe de nombreux locaux ; Seize chevaux prennent place dans l’étable à veaux, des balles de paille remplissent une autre étable. Tout le matériel agricole de la fermière est mis dehors. Les baraques ne suffisant pas, des soldats couchent dans des étables sur de la paille. De nouveau les réquisitions commencent ; des charrettes, des attelages sont demandés pour aller chercher des pierres à Carentan et des briquettes de tourbe à Baupte. Les ennuis succèdent aux ennuis pour les habitants ; chaque jour deux hommes doivent se rendre à saint Mart.in de Varreville pour creuser des tranchées au bord de la mer Les premiers requis pour partir refusent de s’y rendre ; Des femmes sont aussi demandées à la cuisine pour peler les pommes de terre. Deux femmes acceptent d’y aller moyennant un petit salaire. Durant la même période, fin janvier on demande une voiture à gazogène pour la promenade du chef ; il n’y en a pas dans la commune ; il devra donc se contenter d’un équipage fantaisie mais aucun habitant du village n’est volontaire pour prêter l’équipage. Les Allemands se servent eux-mêmes et, malgré les protestations de Monsieur Tostin, utilisent sa voiture. Cette compagnie part sans avoir réglé aux habitants leurs services. Monsieur Dorey est allé plusieurs fois réclamer le dû au nouveau cantonnement de cette compagnie ; rien ne lui a été versé .
Une compagnie d’artillerie s’installe à proximité de la commune. Une batterie est dressée au lieu dit « Le grand Chemin ». Des voitures sont réquisitionnées pour le transport de munitions de Lison à Boutteville .Deux voitures sont demandées par cette même batterie pour aller à Carentan chercher de la paille et du grain pour les chevaux. Une autre devra chaque jour porter la Soupe de Reuville à Ste Marie du Mont. Au château de Reuville une vingtaine de prisonniers russes sont cantonnés. Il y a six semaines seulement qu'ils sont faits prisonniers. Le lendemain de leur arrivée (15 mars) ces soldats partent au travail habillés en soldats allemands Prestations fournies Pour l'autorité allemande Répartition des charges M. René Bouffet. Préfet de la Manche a adressé la circulaire suivante à Messieurs les Maires du Département « Ma circulaire no 59 AM/Il b du 22 Juillet dernier vous a indiqué la marche à suivre pour réserver les droits des personnes qui ont subi des dommages. La mise au pacage des chevaux de l’armée allemande sur certaines propriétés fait ressortir une autre nécessité celle d'assurer la nourriture du cheptel des exploitants de ces propriétés. Nombre de ceux-ci voient, en effet leurs prés complètement dégarnis d'herbe et se trouvent par suite dans l'impossibilité de continuer à nourrir leur bétail: Il risque d'en résulter un abatage massif d'animaux pendant l'hiver et par suite une raréfaction du lait et des divers produits laitiers. Afin de remédier à cet état de choses, vous voudrez bien inviter et, au besoin obliger par voie de réquisition les cultivateurs de la commune, qui n'ont pas été tenus aux mêmes obligations d’occupation à prendre sur leurs fermes le bétail des exploitations sur lesquelles des chevaux de l'armée allemande ont été mis au pacage pendant le temps voulu pour assurer une compensation équitable aux intéressés. Il doit être entendu que la Prestation imposée aux propriétaires et fermiers sera proportionnée l’importance de leur exploitation, et tiendra compte de la part incombant en propre aux cultivateurs lésés dans la nourriture des chevaux de l'armée occupante. L'égalisation des .charges entre les particuliers à laquelle tend la mesure ci-dessus est également souhaitable en ce qui concerne les communes. Certaines notamment celles que traversent les routes empruntées par les détachements de troupes sont soumises à des réquisitions constantes alors que les communes contigües sont à peu près totalement exonérées de prestations. Une entente devra intervenir entre les maires des communes voisines pour répartir équitablement la fourniture des produits fréquemment demandés particulièrement : foin, paille. Avoine, bois cassé. Etc. Dans toute la mesure des possibilités Il conviendra également d’assurer la pâture des animaux des communes particulièrement mises à contribution par les chevaux de troupe. Pour éviter que les troupeaux soient conduits trop loin de leurs fermes D’origine il sera nécessaire de limiter la prestation aux exploitations uni sont en bordure de ces communes. Je compte pour obtenir des résultats sur l'esprit d'entente et la solidarité de tous qui, j'en ai la conviction m'éviteront de recourir à la réquisition des produits agricoles sur les communes favorisées par rapport à leurs voisines. Il va sans dire que dans tous les cas où une entente directe avec les chefs de détachement permettrait d'aboutir la répartition désirée, soi, entre particuliers soit entre les communes. v aurait lieu de recourir de préférence à cette façon de procéder ». Le Préfet de la Manche : René BOUFFET LE RATIONNEMENT Les titres d’alimentation (Instaurés le 15/3/41.) Le Rationnement est le procédé qui permet la répartition équitable et l'attribution régulière des denrées dont il est jugé nécessaire de limiter ou de réglementer la consommation. A la fin du mois, comme à la fin de chaque trimestre, les habitants se voient remettre en mairie leurs titres d’alimentation Les Titres d'Alimentation; 1) CARTE INDIVIDUELLE D'ALIMENTATION La carte individuelle d'alimentation est le titre qui donne éventuellement à chaque consommateur un droit à. l'obtention de quantités déterminées des denrées dont il est jugé nécessaire de réglementer la consommation. La carte d'alimentation est essentiellement individuelle et constitue, en quelque sorte, une carte d'identité alimentaire .
Elle se compose d'une couverture dans laquelle une feuille de coupons est encartée par collage de la partie gauche; Elle comporte les indications d'état civil; la date de délivrance de la carte; le cachet de la Mairie l'ayant délivrée et la signature du Maire.
La page 2 présente à gauche une marge étroite sur laquelle est collée la feuille de coupons; à droite : un emplacement destiné à recevoir une photographie et une légalisation de signature lorsque le consommateur désire utiliser sa carte d'alimentation comme pièce d'identité. Tout consommateur résidant sur le territoire de la France continentale, y compris la Corse, quelle que soit sa nationalité doit être pourvu, par les soins de l'Administration, d'une carte individuelle d'alimentation qui est valable sur toute l'étendue du territoire. Ne sont pas pourvus d'une carte d'alimentation : Les militaires ou assimilés des armées de terre, de l'air ou de mer qui reçoivent des vivres en nature des ordinaires de corps de troupes; les militaires ou assimilés hospitalisés dans des formations sanitaires, même lorsqu'elles sont gérées par des sociétés auxiliaires ou des particuliers ni les requis civils des Chantiers de la Jeunesse. Les consommateurs sont répartis entre les catégories ci-après Catégorie E : Enfants des deux sexes âgés de moins de trois ans; Catégorie J1 : Enfants des deux sexes, âgés, de trois à six ans révolus Catégorie J2 :-Enfants des deux sexes âgés de six à douze ans révolus Catégorie A - Consommateurs âgés de douze à soixante-dix ans ne se livrant pas à des travaux de force; Catégorie T : Consommateurs des deux sexes âgés de quatorze à soixante-dix ans se livrant à des travaux pénibles nécessitant une grande dépense de force musculaire. Catégorie C : Consommateurs des deux sexes âgés de plus de douze ans et sans limite d'âge se livrant personnellement et professionnellement aux travaux agricoles (producteurs de céréales, vignerons, arboriculteurs, maraîchers, jardiniers de profession) qu'ils soient propriétaires cultivant eux-mêmes ou bien fermiers, métayers, ouvriers agricoles, valets de ferme, bouviers, à l'exclusion, tant des éleveurs et bouchers que des propriétaires ou régisseurs ne travaillant pas eux-mêmes à la culture ou y travaillant de façon intermittente et exceptionnelle. Catégorie V Consommateurs des deux sexes âgés de plus de soixante-dix ans et dont les occupations ne peuvent autoriser le classement en catégorie C. Les Maires sont seuls habilités à délivrer des cartes d'alimentation, à l'exclusion de tout autre organisme. La carte d'alimentation peut être demandée par le commerçant lorsqu'un consommateur achète une denrée rationnée afin de lui permettre de vérifier la-concordance des numéros portés sur la carte d'alimentation, d'une part et sur les feuilles de tickets, d'autre part
Mars 1944 Au courant du mois de mars 1944 les raids aériens deviennent de plus en plus fréquents des bombardiers et des chasseurs visent plus particulièrement Saint Martin de Varreville. Une jeune fille a été blessée et de nombreux animaux tués lors du bombardement du 20 mars. Fin mars, les habitants doivent remettre les postes de TSF à la mairie. Le chef de la compagnie de Ste Marie du Mont demande à les voir et sans autre forme de procès s’approprie celui de Mme Fautrat. Monsieur Dorey loge à cette époque un Lieutenant originaire de Hanovre, il a 21 ans et s’appelle Bolenski. C’est une période d’entraînement intense ; les hommes se lèvent vers 4 heures du matin, partent pour la plage et ne rentrent que le soir vers 7 heures. Le nombre de soldats allant croissant, les besoins se font plus pressants. Des bicyclettes sont demandées dans la commune. Un officier et un interprète arrivent pour choisir ; aucune bicyclette n’est en état de marche. Ceux qui n’ont pas présenté leur bicyclette sont convoqués pour le lendemain ; une seule bicyclette est réquisitionnée ; c’est celle d’un réfugié du Grand Vey. Les militaires allemands insiste pour que le maire M. Dorey les accompagne Chez Monsieur Viel, où il ont vu cinq bicyclettes, dont trois presque neuves, alors que M. Viel en a présenté des vieilles, des très vieilles, il s’obstine à n’en pas vouloir donner, on le menace d’une perquisition domiciliaire par la gendarmerie allemande. Il finit par donner une bicyclette pour éviter cette perquisition. Les Allemands demandent aussi des chiens de garde, cependant aucun animal ne sera pris dans la commune. A partir de la mi-mai on ressent une certaine inquiétude chez l’occupant Des directives arrivent sur les coupures de courant : « A partir du lundi 15 mai1944 le courant électrique sera interrompu sur toutes les lignes, pendant les heures suivantes et jusqu’à nouvel ordre ; de 7h.00 à midi et de 15h.00 à 20h00 (heure solaire) Prévenir les boulangers » Le jour même la nouvelle institutrice Melle Rilliot reçoit une note de l’inspection académique qui lui signifie qu’à compter du 15 mai les classes seront fermées et qu’en principe les maitres et maitresses doivent rester à leur poste à disposition de leurs chefs et des autorités.
Au cours de la fin du mois de mai, les bombardements s’intensifient. Ce sont surtout des raids de nuit ; des nuées d’avions se font entendre et survolent la région. Des lueurs blafardes illuminent la nuit. Les habitants voient de grosses boules de feu dans le ciel ; ce sont des fusées éclairantes. Dans la direction de St Martin de Varreville de nombreuses détonations se font entendre ; La forteresse a été repérée et elle est bombardée ; Le bombardement ne dure guère plus d’une demi-heure mais pendant tout ce temps les vitres tremblent, les maisons remuent La panique prend les habitants : « Tout va être anéanti » ; Enfin le calme revient et chacun peut se reposer dans le calme. Chaque lendemain matin les voisins se font de mutuelles visites et échangent leurs impressions. Tout le monde a très peur et a cru que le village seul était concerné par les bombardements ; des nouvelles arrivent: la forteresse de St Martin de Varreville a été détruite, la route de Quettehou a été coupée. Il y a plus de trois cents vergées de terrain de retournées, les arbres son scalpés, C’est une région de nulle valeur pour de nombreuses années. Parmi les civils il n’y a pas de morts à déplorer ; quelques blessés légers dont l’institutrice, par contre, beaucoup de militaires allemands ont été tués ou blessés ; On apprend aussi Qu’une dame habitant une maison isolée à proximité de la route nationale Paris Cherbourg au lieu-dit « Le Haut de Foi » entre Blosville et Ste Mère Eglise, prise d’épouvante, est sortie de sa maison et s’est sauvée à travers champs en chemise de nuit. Les militaires cantonnés dans ce hameau, ne la reconnaissant pas dans cette tenue rudimentaire, l’ont prise pour un parachutiste et lui ont tiré dessus. Elle a été blessée à l’abdomen et transportée dans un état grave à la clinique de Valognes par les soldats allemands. Cette période est très dure pour les habitants de la région, ils vivent dans la crainte des bombardements, la peur des réquisitions et du travail obligatoire en effet il faut des hommes pour aller faire de trous dans les champs et planter des troncs d’arbres ; les fameuses asperges de Rommel ou « Asperges à Rommel », comme disent les habitants requis pour les planter, ce sont des pieux dressés sur l'ordre de Rommel, sur les terrains propices à un atterrissage de planeurs. Ces pieux de 3m de haut sont, en principe, reliés par des barbelés et peuvent être équipés de mines.
Au printemps de 1944, Rommel fait accélérer l'abattage des arbres dans toute la région normande pour multiplier ces défenses, (Mon père, fut soumis au Service du Travail Obligatoire, n’ayant pas été incorporé en 1939 (œil crevé par un éclat de pierre) il est requis pour l’abattage des asperges à Rommel par l’entreprise Todt, un accident d’abattage va le priver de son deuxième œil, (aucune place n’étant disponible à l’hôpital Pasteur de Cherbourg) .
Les officiers réquisitionnent les civils pour accomplir ce travail. Trois hommes sont désignés chaque jour pour aller planter ces asperges. La peur, l’anxiété, l’angoisse continuelle a aigri les esprits ; suite à des dénonciations un ouvrier agricole est arrêté pour ne pas avoir voulu se rendre au travail obligatoire ; Les habitants essaient pourtant par tous les moyens de ne pas y participer, la moindre inattention des Allemands et ces braves paysans repartent chez eux comme si de rien n’était. Les exercices s’intensifient dans la dernière semaine de mai ; il est dorénavant interdit de circuler entre certaines heures sur la route nationale car il y a des manœuvres. Ces exercices se poursuivent jusqu’au 5 juin avec autant d’intensité. 4 juin-23 heures Lourd bombardement de St Martin de Varreville qui se termine vers 0h30. 5 juin-23 heures ; Lourd bombardement de St Martin de Varreville ; les avions passent très bas. De la nuit du 5… au soir du 6 juin 1944 (Témoignage de M. Viel)* « Les bombardements commencent vers 10 heures du soir, c’est une canonnade ininterrompue, des fusées lumineuses descendent des avions et éclairent le pays. Elles sont nombreuses et de fort jolies couleurs ; bleues, vertes, violettes. De nombreux avions sillonnent la région et laissent pleuvoir des parachutes ; ce sont des parachutistes !!! » 6 juin « Le bombardement dure jusqu’à 0h30 Nous croyons voir des objets qui tombent des avions
rasant le sol, nous entendons une galopade » « A1h30 un feu phosphorescent s’allume sur la pelouse derrière la maison. Il doit y avoir un paquet parachuté. Nous cherchons sans sortir à voir ce que c’est ; au clair de lune il nous semble voir deux parachutes sur le sol et un ou deux paquets cylindriques à proximité » « A 3h30 le feu s’éteint, nous n’osons pas encore sortir » « Vers 4h30 le jour se lève et à 4h45 nous décidons d’aller voir ce qui se passe, nous supposons que les Allemands sont partis. Nous allons voir au bout de l’avenue si nos suppositions sont exactes. Nous longeons le petit bois pour nous y rendre ; nous apercevons un soldat casqué accroupi sous le saule pleureur du lavoir qui nous fait signe d’avancer ; « American ! » dit-il en nous montrant l’écusson aux couleurs américaines cousu sur son épaule ;
Sa figure est barbouillée de noir ainsi que ses mains. Il demande : Germans ? Nous répondons que nous ne croyons pas qu’il en reste, qu’ils sont partis. Il demande ensuite où il est et où se trouve Fresville. (Sans doute son lieux de ralliement).Nous le quittons et rentrons à la maison. Nous voyons alors le reste de la famille entouré de parachutistes, mitraillettes au poing. Après questions et explications ils remettent l’arme à la bretelle et ils s’éloignent ; Ils s’installent dans la ferme attenante au château et dressent un fusil mitrailleur sur la route » « A 5h15, une nuée d’avions passe et effectue des bombardements dans la direction de Brécourt, des coups de feu leur répondent. » « Dès 7 h, de nombreux parachutistes s’installent dans le parc » « Vers 8 h, des combats s’engagent avec l’ennemi qui tente de reprendre la position. Un soldat allemand est tué dans « la petite route », trois autres sont faits prisonniers. » « L’officier américain nous demande d’accueillir des blessés, nous en recueillons huit. Un infirmier légèrement blessé reste avec eux. » « Vers midi, une colonne de parachutistes (ils sont de 180 à 200) s’engage par « la Chasse des Landes » « Vers 16 h la fusillade de Brécourt cesse, dans la soirée des parachutistes restent dans les environs du château » « Vers 18h, le soir un avion allemand rôde dans les environs, la DCA le met en fuite » *Dans la nuit du 5 au soir du 6 juin : *notes de M. Viel, fils, 6 juin 1944 – âgé de 16 ans –recueillies par M.Gouhier dans « Invasion occupation de Boutteville » (juin 1966) LA LIBERATION Dans la nuit du 5 au 6 juin, les bombardements commencent vers dix heures du soir. C’est une canonnade ininterrompue, des fusées lumineuses descendent des avions et éclairent le pays, elles sont nombreuses et de fort jolies couleurs bleues, vertes, violettes. « Aux premières heures du 6 juin 1944, en pleine nuit, les 8ème et 9ème Air Force de l'U.S.A.A.F. appartenant à la 2ème Force Aérienne Tactique, appuyés par des bombardiers britanniques et alliés (et notamment français), sont chargés, dans le cadre de l'opération Neptune, de réduire au silence tous les objectifs importants relevés au courant des mois précédents le Jour J par des avions de reconnaissance. Ainsi, 360 bombardiers lourds appuyés par 269 bombardiers légers survolent les convois de navires de guerre et de transport qui font route vers les côtes Normandes. Ces appareils attaquent les fortifications du Mur de l'Atlantique, malgré la présence de nombreux nuages, qui handicapent le repérage des cibles. » De nombreux avions sillonnent la région et laissent pleuvoir des parachutes ; Ce sont des parachutistes !!! A deux heures du matin Madame Fautrat arrive chez Monsieur Dorey et lui annonce : « Les Anglais sont dans le village ! Je viens d’en voir qui regardaient par-dessus le mur de la cour !!! » Zone de parachutage des 101ème et 82ème Airborne (Divisions aéroportées)
En effet dans la matinée des parachutistes passent dans la rue. Ils marchent à la file indienne. Ils ont hélé au passage le fils Cotelle de Hiesville et celui-ci marche en tête de la colonne. Il va jusqu'au carrefour de la chaussée leur indiquer la route de Saint-Marcouf.
Certains habitants regardent ces hommes défiler ; ils sont habillés de kaki, certains ont le drapeau américain sur leur manche de tunique, une tête d’oiseau brodée sur l’épaule et le mot « AERO »sur leur poitrine .ils sont armés de mitrailleuses, de fusils. . Ils réquisitionnent un petit camion à bras dans lequel certains mettent leur matériel et à plusieurs ils trainent ce véhicule. Des soldats de la croix rouge les accompagnent Des avions sillonnent continuellement le ciel et la canonnade continue. Pour la plupart des habitants, c’est l’inquiétude, on n’ose à peine sortir le nez de chez soi. Quelques personnes se risquent à aller traire leurs vaches dans les herbages. Chez Monsieur Groult, les vaches seront traites dans le courant de la matinée .un troupeau passe, errant dans le village ; ce sont des vaches laitières, on ne sait pas d’où elles viennent ni à qui elles appartiennent
Dans la soirée du même jour, trois gros tanks amphibies qui viennent de débarquer traversent le village. En effet un débarquement s’est effectué à Sainte Marie du Mont à la plage de la Madeleine, à Boisguillot et au Grand Vey. En ce dernier endroit il a fallu percer la digue et les Américains ont eu des pertes d’hommes à déplorer.
Les Allemands ont laissé bon nombre des leurs sur le terrain.Ces difficultés ainsi que le mauvais temps et l’action des sousmarins allemands ont retardé le débarquement de douze heures si bien que les troupes aéroportées on dû tenir douze heures de plus qu’il n’était prévu.
Le Village tente de se réorganiser ; un ouvrier agricole part à Sainte Marie du Mont chercher du pain. Au retour il rapporte que les Américains ont fouillé maison par maison, fait des prisonniers et que deux allemands ont été tués dans le bourg decette commune. Un soldat américain a été abattu sur la place de la mairie.
A Boutteville trois parachutistes se sont blessés en touchant le sol, l’un souffre d’une fracture de la jambe,un autre d’une entorse ; Ces soldats sont hébergés chez l’habitant. La croix Rouge américaine est installée à Sainte Marie du Mont. Le Château de Reuville est à son tour délivré et les chefs américains tuent ou laissent à qui les veut les chevaux des Allemands Dans la soirée le village subit un fort bombardement, il dure toute la nuit. Les habitants sont ahuris, ils se demandent ce que le lendemain leur réserve. C’est un grand bourdonnement qui réveille les quelques habitants qui avaient réussi à trouver le sommeil ; de gros avions passent : de chacun d’eux sortent des parachutes ; aussitôt largués de l’appareil ils s’ouvrent.
Monsieur Dorey, impuissant voit l’un d’entre eux tomber sans s’ouvrir ; c’est la mort certaine pour le malheureux. Deux autres s’entremêlent et s’écrasent en vrille au sol .les autres descendent gracieusement jusqu’à terre ;Il y en a de toutes les couleurs : blancs, bleus, rouges verts, oranges, jaunes. Certains portent des hommes, d’autres descendent des provisions, des munitions. Chaque couleur correspond à une charge précise.
Peu de temps après arrivent d’autres avions, ceux-ci remorquent des planeurs ; ces derniers sont attachés aux premiers par une grosse corde. A un moment donné celle-ci se détache du planeur qui s’en va atterrir au hasard. Beaucoup atterrissent dans le marais de Boutteville et de Turqueville. Les hommes ont parfois de l’eau jusqu’au cou mais gagnent quand même la région de Turqueville où il y a encore de la résistance, cette dernière durera jusqu’au soir. L’école a été brûlée, un civil et mort de peur. Les combats s’éloignent et gagnent la « Côte de Foi »sur la route Blosville Ste Mère Eglise, puis Ste Mère Eglise où les Américains essuient un grand nombre de pertes. Pour Boutteville, c’est la circulation incessante de matériels et de véhicules de la croix rouge qui transportent les blessés à un bateau hôpital qui attend en mer pour les transporter en Angleterre A Boutteville il y a eu environ une centaine de tués allemands. L’officier Lid et son ordonnance ont été faits prisonniers. Dans la région, il y a eu un certain nombre de victimes civiles, tuées ou blessés surtout à cause de leur imprudence. A Brucheville, pendant les bombardements de nuit, lors de l’arrivée américaine, un père et son fils ont regardé par une lucarne ; le père a reçu une balle en plein front et le fils a eu le visage fracassé par un éclat d’obus. Fiche de décès d’un civil français établie à l’hôpital américain de Boutteville Cette fiche accompagnait le corps. Dans le village, les routes sont sillonnées par des véhicules divers chargés d’hommes et de matériel. Les habitants doivent aller à Blosville pour se ravitailler. Ils croisent sur leur chemin un défilé incessant de véhicules de tous genres, de camions Dodges, de jeeps, GMC etc. Le débarquement de soldats noirs traversant le village crée une certaine surprise parmi les villageois. Ce défilé continue indéfiniment ; c’est un bourdonnment incessant, assourdissant. Les habitants ont peine à circuler sur les accotements, il est impossible de circuler sur la route ; c’est un nuage de poussière. Chose étrange, malgré cet interminable défilé ,il n’y a pas un seul accrochage à déplorer. Mais bientôt revenus de leur assourdissement les habitants se rendent compte qu’une nouvelle occupation commence.Celle ci est plus agréable à supporter. La croix rouge vient organiser un cantonnement à proximité du village. L’école est réquisitionnée pour établir un bureau et on installe une batterie d’artillerie à proximité. Aux premiers coups tirés sur Montebourg, tout le monde a très peur, tout tremble, tout résonne ; les habitants passent une très mauvaise nuit : l’artillerie tonne des heures entières sans discontinuer. Les avions ennemis viennent repérer cette batterie sans toutefois bombarder Tous les habitants tremblent de peur, pendant ce temps le convoi de véhicules continue de déverser sur la région des tonnes de matériel. Des nuées d’avions bourdonnent sans cesse dans le ciel : ce sont des bombardiers qui passent. Par une personne qui a été appelée par les autorités américaines et qui a passé la nuit sur la plage de Sainte Marie du Mont, les habitants apprennent que le débarquement s’étend depuis sous Boisguillot jusqu’à la plage de Saint Martin de Varreville. On ne voit plus la mer tant il y a de bateaux de tous genres, cela s’étend jusqu’aux Iles Saint-Marcouf tandis qu’à l’horizon des torpilleurs protègent le débarquement. Chaque jour le défilé interminable des voitures se poursuit : il n’y a pas d’interruption ; des voitures légères avec remorque transportant des officiers et leurs bagages,des camions de munitions,des camions pleins de soldats, des grues, des canons ; tout cela défile, défile sans arrêt. Vers la mi-juin, les troupes américaines doivent essuyer des raids de l’aviation allemande. Ces avionssont pourchassés par les appareils américains qui réussissent à abattre quatre avions ennemis dans les environs de Boutteville. Des nouvelles de toutes sortes arrivent au village ; des femmes habillées en militaires allemands auraient tiré sur des soldats américains…une autre femme aurait tiré sur un groupe de soldats US et sur une tente de la Croix Rouge, des soldats se sont lancés à sa poursuite et l’ont blessée. Elle est soignée à l’hopital américain. Au milieu de ces tristes nouvelles,un problème important apparaît ; celui du ravitaillement : il n’y a plus de pain. Une réunion des maires des communes libérées a lieu à Sainte Mère Eglise ; l’armée essaie de ravitailler levillage en épicerie ,mais les deux bateaux de ravitaillement sur lesquels les habitants mettaient leurs espérances ont eté coulés .La commune n’a plus de pain depuis cinq jours. Lesrations d’épicerie pour mai-juin ne sont pas arrivées : leshabitants, rassurés par le succès des opérations militaires s’inquiètent cependant pour la nourriture. Le mardi 20 juin arrive le premier communiqué officiel : « La 9ème division américaine a coupé la presqu’île du Cotentin, s’emparant de Barneville et de Carteret,prenant les lignes sur une longueur de huit kilomètres ; Barneville est intacte ayant été attaquée à l’improviste :15000 prisonniers, 27000 Allemands pris au piège. » - Autre nouvelle : « La nouvelle arme du Führer :l’avion qui se dirige sans hommes a été lancé sur l’Angleterre et a fait beaucoup de dégats. » Le lendemain les habitants sont avisés que Boutteville est rattachée à Blosville pour la distribution du pain,il faut aller chercher les rations sur présentationde la carte d’alimentation : 100 grammes par personne et par jour. Des arrêtés fixant le prix des denrées sont communiqués Boeuf Achat Prix /Kg vif 17 francs Vente 1ère qualité Sans os 50francs 2ème qualité id 30 francs 3ème qualité id 20francs Veau Achat Prix /Kg vif 20 francs Vente 1ère qualité Sans os 60 francs 2ème qualité id 50 francs 3ème qualité id 20 francs Porc Achat Prix /Kg vif 40 francs Vente 68 francs l’abbattage clandestin est interdit Lait Beurre vente 3 francs le litre 60 francs /Kg Le beurre est collecté dans les usines de Chef du Pont. Chaque cultivateur devra remettre l’excédent de sa consommation à l’usine qui lui traitait son lait ; la reception aura lieu les lundis, mercredis et vendredis de chaque semaine. Le ravitaillement commence à se faire plus régulièrement, la vie se réorganise , mais c’est toujours le même mouvement de véhicules apportant des renforts : en voyant passer ces soldats, beaucoup d’habitants ont le cœur serré en pensant que beaucoup d’entr’eux ne reverront pas l’Amérique Pour la première fois le facteur reprend son travail et apporte un pli contenant de nombreux arrêtés pris par le Commisaire Général de la République avec la devise républicaine qui réapparaît en tête de ces arrêtés« LIBERTE-EGALITE-FRATERNITE ». Tous ces arrêtés sont signés : « LE COMMISSAIRE REGIONAL DE LA REPUBLIQUE : Signé P GOULET Pendant le séjour des militaires au cantonnement, on échange des adresses on distribue même des autographes Un mois après le débarquement c’est toujours la même circulation intense, d’autant plus intense qu’ un fort contingent part pour délivrer Saint Lô. L’armée Patton qui était cantonnée dans les champs part aussi pour cette région. Durant cette période de la première moitié de juillet une forte explosion se fait entendre, suivie d’une quantité d’autres détonnations ; cela dure tout l’après-midi et une partie de la soirée : c’est un dépôt de munitions situé à Audouville la Hubertqui a sauté et on ne s’explique pas ce qui a produit cet accident. Le sinistre a été circinscrit vers la fin de la soirée. Vendredi 14 juillet 1944 Aujourd’hui, le drapeau français flotte au monument aux morts de la guerre 14-18 .Le Maire y dépose un géranium cravatté d’un ruban tricolore. Il n’y a pas d’autre manifestation à Boutteville. A sainte Marie du Mont se déroule une touchante cérémonie. Le soldat qui était sur le piedestal du monument avait été enlevé du socle par les Allemands lors de leur arrivée en 1940parce que le pied du « Poilu » foulait un aigle. En présence de l’état major américain, il est remis en place sur son socle .La Marseillaise a été chantéepuis le cortège composé des autorités alliées, de la municipalité de Sainte Marie du Mont, des maires des différentes communes, des enfants et des anciens combattants est allé fleurir les tombes ds soldats américains inhumés dans le cimetière de Sainte Marie du Mont.Enfin un vin d’honneur a été servi aux autorités et aux soldats présents. Les habitants suivent avec attention les diverses péripéties dont la région est le théâtre : Le mercredi 19 juillet le journal de la région « La Presse Cherbourgeoise » annonce la prise de Saint-Lô. Pour les gens du village ,c’est touours le même va et vient de véhicules partant pour le front ou en revenant.es derniers amènent des soldats en repos dans notre région. Dans cette petite commune, il y a cinq cuisines sous campement qui alimentent chacune deux mille militaires. Les champs sont couvert de militaires qui s’installent sous les pommiers.ils sont habillés de vêtements neufs etlaissent au pied des haies les habits qu’ils quittent. Après leur départ, les Français qui le souhaitent n’ont qu’à aller les chercher. Cest ainsi que les habitants recueillent des chemises, des camisoles,des pantalons , des souliers, des chaussettes , du savon et même des cigarettes et des allumettes. Les deux mille hommes du « 92ème Remplacement » qui stationnait à Boutteville depuis le début juin partent avec tout leur matériel pour la région de Coutances. Les agressions sexuelles « Universitaire américaine, Mary Louise Roberts vient de lever le voile sur un aspect jusqu'ici occulté de la bataille de Normandie : l'attitude d'une partie du corps expéditionnaire américain envers les femmes françaises. Certes, dans leur immense majorité, les GI traitèrent avec respect les populations qu'ils étaient venus libérer. Mais une minorité d'entre eux crurent trop aux préjugés en cours aux Etats-Unis sur la France et les Français. Pour la presse, pour une partie du commandement, la France était le pays de la bonne vie et du sexe libre. La prostitution était légale et, plus généralement, les femmes françaises avaient la réputation injustifiée de céder facilement aux avances des vainqueurs. Nombre de liaisons entre soldats et jeunes Françaises ne prêtaient à aucune critique. Mais les agressions sexuelles furent fréquentes et les plaintes des autorités civiles françaises nombreuses. Dans les cas extrêmes, 152 fois, il fallut répondre à des accusations de viol formulées par des Françaises à l'encontre de soldats américains. Plusieurs dizaines de GI condamnés par la justice militaire furent pendus. Ces affaires reflétaient aussi l'une des particularités du corps expéditionnaire : la ségrégation dont étaient victimes les Noirs dans l'armée américaine. La grande majorité des condamnations pour viol frappèrent des soldats afro-américains, alors qu'ils représentaient à peine 10% des effectifs. Pour le commandement, cette surreprésentation confortait un préjugé : les Noirs avaient une sexualité exubérante qui les conduisait au crime. Mais Mary Louise Roberts montre aussi que les tribunaux militaires américains avaient une fâcheuse tendance à sévir surtout contre les soldats noirs et à traiter avec beaucoup plus de légèreté les mêmes faits quand ils étaient imputés à des soldats blancs. L'analyse des procès révèle que souvent les condamnations des soldats noirs étaient prononcées sans preuves, sur la foi de témoignages contestables. Ainsi, l'armée américaine, qui agissait au nom de valeurs universelles et qui a libéré l'Europe, gardait aussi certaines pratiques dont les Etats-Unis n'allaient se débarrasser que beaucoup plus tard... » Par Laurent Joffrin Dans les villages environnants bien après le départ des Américains et même de longues années plus tard des langues se délieront et certains dénonceront ces exactions mais la plupart de ces faits ont été tus à jamais. Des évènements viennent encore plonger les habitants de la petite commune dans la consternation. Des personnalités bien connues de la région sont arrêtées par le Comité de Résistance Français : on craint que ces vieux républicains ne prennent le commandement d’un mouvement : les opinions politiques ont fait que ces hommes ont fait que pendant toute la durée de l’occupation allemande, ils ont été menacés d’être arrêtés et envoyés en Allemagne. Une protestation rédigée par Monsieur Renaud, maire de Ste Mère Eglise et signée par tous les maires du canton est envoyée aux autorités compétentes. Des soldats noirs parcourent les champs où étaient campés les soldats et ramassent tous les haits laissés et les brûlent. Cependant il faut réorganiser la commune. Un conseiller municipal est révoqué pour avoir fait du marché noir. Deux autres conseillers sont décédés. Trois nouveaux conseillers sont désignés.

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