dimanche 14 juillet 2013

LA CHATTE DE LA PATRONNE


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J’ai souvent évoqué le Père Jean ; Plus qu’un ami, un second père pour moi. Beaucoup l’ont côtoyé. Bien peu ont vécu des épisodes aussi marquants pour la mémoire. Amateur du bien vivre le père Jean était en fait un réel humaniste dévoué à la vie associative, amoureux de la Nature et chasseur invétéré. L’histoire que je vais vous conter est authentique. Le petit bois de Rauville était souvent notre lieu de rendez vous du samedi, Quelques pigeons, des lapins, de la bécasse, Parfois un lièvre ou du sanglier de passage ; mais avec modération Nous avions convenu de nous retrouver vers une heure de l’après-midi pour ensuite passer chez Auguste le garde prendre les « cocos », c’est ainsi que l’on appelle les furets, petits mustélidés, aux dents agressives qu’il faut manipuler avec précaution. Il m’est arrivé de vouloir en récupérer un au sortir d’une garenne après qu’ il ait pris quelques jours de liberté et l’ index de ma main gaude en porte le souvenir. Donc, munis de nos petits complices dans leur sacs nous prenons la direction du petit bois en dodoche , cette dernière , mon premier véhicule , penchait singulièrement du coté du Père Jean.. Arrivés à la barrière du bois , nous rangeons la deux chevaux , déchargeons le matériel , les fusils et en route pour la garenne. . Nous lâchons « Coco » à l’entrée de la garenne ; et souvent dès l’entrée on entend des lapins taper de la patte avant de jaillir à toute allure de la garenne . On ne tire jamais à la sortie du trou cela peut être dangereux ; Au bout d’une dizaine de minutes Coco ressort, la tête couverte de terre, regard à droite , à gauche et se dirige vers une autre entrée, rien d’intéressant…Le père Jean me tournait le dos etje l’entendais gromeler-C’est pas normal, c’est pas normal » A la deuxième sortie du furet tout aussi infructueuse Il me dit : « -Récupère le on va aller plus loin ! » L’animal recupéré, je le glisse à l’intérieur de ma chemise pour me rendre à la grande garenne . Je remarque alors à droite d’une bouche d’entrée des empreintes de « puant » Ce n’est pas du blaireau les empreintes sont caractéristiques ; une forme de petite main, avec 5 doigts et des griffes souvent marquées. Qu’est ce que cela peut-être ? « L’Père Jean, venez voir ! -C’est un chat ; un chat sauvage ou un chat haret à coup sûr.

 On fait la grande garenne et on va aller chez Auguste chercher deux pièges et revenir les tendre . Un peu plus de chance était au rendez vous : deux garennes en firent les frais .cela suffisait Les « Cocos » remis dans le sac, puis dans leur cage chez Auguste furent récompensés par une tasse de lait. Munis de deux pièges aux mâchoires sans dents, vingt minutes plus tard nous étions de retour au « P’tit bois » la petite garenne était non loin de l’entrée ; cela allait faire l’affaire ; L’Père Jean sortit son opinel et préleva le foie d’un de nos lapins , le fixa sur la palette du piège avec un morceau de fil de fer , pendant ce temps j’avais légèrement creusé la terre à la dimension du piège et fait un petit monticule juste devant. Le piège affleurait parfaitement le niveau de la terre. Un peu de terre le rendait imperceptible « -On passera demain matin vers 11 heures, tu viendras manger après à la maison avant le match, Ah c’est vrai j’ai oublié de vous dire que le Père Jean était Président de « Ste Mère Sports » et que j’étais le gardien de buts de l’équipe 1ère, l’oubli est réparé. Le retour à Ste Mère fut peuplé d’anecdotes de chasse et de piégeages, 
A 10 heures le lendemain la dodoche attendait le père Jean qui s’installa avec un couinement d’amortisseur, le fusil était dans le coffre. Vingt minutes lus tard nous étions au p’tit bois de Rauville, on n’avait rencontré que deux voitures - Ils doivent être tous à la messe sourit l’père Jean La voiture rangée, Nous fûmes bientôt près de la garenne Je précédais le père Jean -Qu’est ce que c’est que çà ? Accroupie auprès du piège une magnifique chatte angora blanche Semblait attendre qu’on la délivre, -Qu’est ce qu’on en fait ??? On ne va tout de même pas lui mettre un coup de fusil. Je m’approchai, méfiant, de l’animal : pas agressivedu tout. Par contre la patte était presque coupée et ne tenait plus que par un lambeau de peau ;- Passez-moi votre Opinel, je vais la libérer. D’un coup sec et rapide la patte fut sectionnée et la chatte se mit à lécher le moignon qui ne saignait pour ainsi dire pas. - Elle va s’en remettre, et reviendra à la garenne, Tu verras. - Non, Cela va lui servir de leçon. J’étais ravi de l’avoir libérée et d’avoir contribué à l’épargner. Mais je ne comprenais pas comment elle se trouvait là. On était à deux kilomètres du village. -Bon tu penses au match maintenant, C’est le derby contre Créances , Tu vas avoir encore toutes les ouailles du curé derrière tes buts criant « Tu vas l’entchulo ctilo !!! » « Tu vas l’entchulo ctilo !!! » Le retour s’effectua sans encombre ; un repas léger, un match gagné et l’impression d’avoir fait une bonne action me firent reprendre avec entrain le chemin de l’Ecole Normale le lendemain matin. Plus d’un an plus tard, aux vacances de la Toussaint, après une partie de chasse à la bécasse On décida d’arrêter prendre un verre à Rauville dans un petit bistrot de campagne Gilbert, le fils du père Jean et Auguste étaient des nôtres. Chacun chambrait le voisin pour des oiseaux immanquables et pourtant manqués. -Une bière, deux, trois bières et un panaché s’il vous plaît. La patronne souriante revint bientôt à notre table avec les consommations, de derrière le comptoir à ce moment sortit, vous avez deviné quoi… Une chatte blanche angora amputée de la patte avant gauche. La chatte sauta sur la bancelle près de moi et se mit à se frotter les joues et le Elle ne semblait pas vouloir aller voir qui que ce soit d’autre… Le père Jean regardait lui aussi cette chatte aussi abasourdi que moi. -sauve toi Moumoune, tu vas mettre des pois partout intima la patronne. -Non, non, non, ce n’est pas grave, dis-je en la caressant ; Euh…Sa patte … qu’est-ce qui lui est arrivé ? -Ah ne m’en parlez pas ! J’ai un voisin qui ne supporte pas les chats …et un jour alors qu’elle avait des petits, il y a environ un an il a dû la prendre dans un piège, elle a pu se libérer mais avec une patte en moins. Je ne comprends pas, une bête aussi gentille qui ne va jamais traîner, elle dort dans le cagibi attenant pendant la nuit.Ce que la patronne n’avait pas réalisé c’est que la nuit l’instinct de chasse la poussait à aller chasser pour nourrir ses petits et que le petit bois de Rauville était à moins d’un kilomètre à vol d’oiseau. Le père Jean ne pipa mot et régla l’addition, en me levant je fis une dernière caresse à Moumoune. M’avait-elle reconnu ? J’aime à penser que oui…

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